Pathologie de la muqueuse buccale

CAS No 1

Un homme de 34 ans consulte à la demande d’un confrère hospitalier pour traitement de lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois, augmentant progressivement de volume, devenant douloureuses et saignotant lors du brossage. Le patient a bénéficié deux ans auparavant d’une greffe rénale ayant entrainé la prise de Mycophénolate mofétil (Cellcept® 750 mg/j), Prednisone (Cortancyl® 10 mg/j) et Ciclosporine (Néoral® 150 mg/j). 

L’examen clinique confirme la présence d’une hypertrophie gingivale localisée dans le seul secteur antérieur des maxillaires.

Celle-ci est par endroits inflammatoire, associée à la présence de plaque dentaire.

 Figure 1 : Lésions gingivales évoluant depuis plusieurs mois.

Quel est votre diagnostic ?

Réponse

Le diagnostic dans ce cas est relativement simple : il s’agit d’une hypertrophie gingivale liée à la prise de ciclosporine.

Elle atteint essentiellement les papilles inter-dentaires, qui sont de couleur rose pâle et de consistance ferme. 

Sa fréquence est variable, de 15 à 80 %. Elle apparaît 3 à 4 mois après le début du traitement, mais parfois plus tôt ou beaucoup plus tard, avec une intensité dépendante de la dose. La mauvaise hygiène bucco-dentaire joue un rôle important.

L’hypertrophie gingivale se caractérise histologiquement par une hyperplasie du tissu conjonctif et des vaisseaux et l’association d’une fibrose et d’infiltrats inflammatoires lympho-plasmocytaires. Il n’y a pas lieu de réaliser une biopsie préalable, la confirmation histologique pouvant être apportée lors de l’examen de la pièce d’exérèse.

Dans ce cas précis, le traitement a consisté d’abord en l’élimination mécanique de la plaque dentaire, suivie de deux cures d’azithromycine (Zithromax® 250 mb, 2 cps/j pendant 3 j, arrêt une semaine puis reprise selon le même mode, hors AMM). Ceci a entraîné une réduction de près de 50 % de l’hypertrophie gingivale. En raison de la gêne fonctionnelle et esthétique, une gingivectomie au bistouri électrique a été réalisée sur le volume excédentaire résiduel.

La récidive étant inéluctable si la ciclosporine est continuée à la même posologie, une recommandation de diminution de la posologie avec suppléance par d’autres immunodépresseurs, dans la mesure du possible, a été faite au prescripteur. Le patient a été incité à une hygiène plus rigoureuse.
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Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités par bisphosphonates

le traitement de la nécrose aseptique de la hanche10, du syndrome Sapho4, etc. Ils contribuent à traiter les symptômes liés à ces différentes affections et ils sont souvent prescrits au long cours, surtout en carcinologie. L’ostéonécrose des maxillaires, secondaire à la prise de bisphosphonates, est une complication décrite récemment dans la littérature11-17.

En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose ont été découverts dans la division de stomatologie, de chirurgie orale et radiologie dento-maxillo-faciale de la Faculté de Médecine de Genève.

Observations

Le premier patient (cas n°1) avait une ostéonécrose maxillaire, secondaire à la prise de bisphosphonates.

Venu consulter pour une infection d’origine dentaire, le tableau clinique s’est avéré atypique et l’os alvéolaire périradiculaire semblait nécrosé. Après extraction des 2 dents causales qui étaient les seules dents maxillaires restantes, l’évolution n’a pas été favorable et on a observé une exposition osseuse s’étendant  progressivement. Elle a nécessité la réalisation d’une
maxillectomie subtotale; l’examen histopathologique a confirmé le diagnostic d’ostéonécrose. En 12 mois, 8 autres cas ont été observés.

Ces 9 patients étaient 3 hommes et 6 femmes dont l’âge était compris entre 45 et 85 ans (âge moyen 73 ans) (tableau 1). Les bisphosphonates ont été prescrits pour le traitement des affections suivantes: myélome multiple, cancer du sein, adénocarcinome prostatique, ostéoporose. Dans ces 9 cas, on a observé 12 foyers d’ostéonécrose dont les localisations étaient les suivantes : 7 atteintes mandibulaires (dont une double localisation), 3 maxillaires et 1 bimaxillaire.

Cinq foyers d’ostéonécrose sont apparus après une extraction dentaire, 1 après ablation d’implants dentaires et 6 spontanément.

Cliniquement, l’atteinte osseuse ressemblait plus à une ostéoradionécrose qu’à une ostéomyélite: exposition osseuse, spontanée ou provoquée, le plus souvent après extraction dentaire, sans aucune tendance à guérir spontanément car le séquestre ne se détache pas et l’atteinte osseuse semble s’étendre (figure 1).

Le bilan radiologique comporte systématiquement un orthopantomogramme (figure 2), parfois un examen tomodensitométrique (figure 3), une scintigraphie osseuse (figure 4).

Dans chaque cas, l’examen histopathologique a confirmé le diagnostic de nécrose osseuse; aucune cellule tumorale n’a été observée (figure 5) lorsque le traitement avait été prescrit pour une tumeur maligne.

Dans tous les cas, on a réalisé une séquestrectomie après une antibiothérapie (amoxicilline 750 mg 3xj-1 et métronidazole 250 mg 3xj-1) de 7 à 10 jours en moyenne, temps nécessaire pour obtenir une cicatrisation muqueuse suffisante.

Commentaires

 Figure 1 Ostéonécrose dans la région maxillaire antérieure (cas n° 1) : exposition
osseuse qui s’est étendue progressivement après l’extraction de deux dents restantes
et ayant nécessité la réalisation d’une maxillectomie subtotale.



 Figure 2 Orthopantomogramme (cas n° 2) : perte spontanée de la deuxième molaire
inférieure avec exposition progressive de la table interne de la mandibule.

 Figure 3 Examen tomodensitométrique (cas n° 3) : lyse osseuse dans la région
de la première molaire supérieure droite 6 mois après l’extraction, accompagné
d’une sinusite chronique homolatérale.

Les bisphosphonates, molécules utilisées depuis les années 1970, constituent un progrès thérapeutique important pour le traitement de la maladie de Paget18, de l’ostéoporose6,7 et des tumeurs osseuses ostéolytiques 8,9. Ils réduisent de façon importante (de 20 à 60 % selon les auteurs) la fréquence des manifestations liées à l’atteinte osseuse, en diminuant les douleurs, les fractures pathologiques, les compressions radiculaires ou médullaires et les épisodes d’hypercalcémie 8. Leurs indications sont de plus en plus vastes et on estime que 2,5 millions de patients ont été traités par pamidronate et zolédronate depuis leur mise sur le marché19.

La Food and Drug Administration (FDA) a donné l’autorisation de mise sur le marché (AMM) au pamidronate en 1994, pour le zolédronate en 2001; en France, les AMM ont été obtenues quelques mois plus tard.

Les maxillaires semblent les seules structures osseuses touchées; ceci pourrait s’expliquer par une continuité de la muqueuse de recouvrement qui mettrait en relation l’os avec le milieu septique de la cavité buccale.

Le développement de l’ostéonécrose survenait après un acte chirurgical, le plus souvent une extraction dentaire, ou de façon apparemment spontanée. Le traitement proposé dépend de la localisation des lésions et de leur dimension. Aucun cas n’a été traité par oxygénothérapie hyperbare dont l’efficacité semble aléatoire14,16.

Les limites du séquestre sont difficiles à évaluer car l’os “sain” périphérique apparaît très remanié et peu vascularisé; si la séquestrectomie est insuffisante, l’exposition osseuse persiste ou récidive. Sauf contre-indications d’ordre général, il n’y a aucune raison de laisser évoluer un foyer d’ostéonécrose.
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Ostéonécrose des maxillaires chez des patients traités par bisphosphonates

Summary

Bisphosphonates-related jaw osteonecrosis Introduction The latest generations of bisphosphonates constitute a major advance in the management of disorders including Paget’s
disease, osteoporosis, and osteolytic bone tumors. Recent reports describe numerous cases of osteonecrosis of the jaw in patients treated with bisphosphonates. Some of these reports mention predisposing factors, including surgical procedures, chemotherapy,
and radiotherapy. 

Cases In the past 12 months, we have observed and treated 9 cases of maxillary osteonecrosis, which we present summarily.

Discussion Some of our cases (3 of 9), like many of those described in literature, do not present predisposing factors. The osteonecrosis may thus be due mainly to the effect of bisphosphonates that, by blocking bone remodeling, may cause excessive bone mineralization. If this hypothesis is confirmed, these cases of osteonecrosis may be due to excess doses. 

Better dose adjustment should thus help prevent this complication.

Résumé

Introduction Les bisphosphonates de dernières générations constituent un progrès important dans la prise en charge de certaines affections: maladie de Paget, ostéoporose et tumeurs osseuses ostéolytiques. Plusieurs cas d’ostéonécrose des maxillaires viennent d’être rapportés chez des patients sous bisphosphonates.
Des facteurs favorisants ont été évoqués: intervention chirurgicale, chimiothérapie, radiothérapie, etc.

Observations En 12 mois, 9 cas d’ostéonécrose des maxillaires ont été observés et traités; ils sont présentés de façon synoptique.

Discussion Comme dans la littérature, dans plusieurs des cas rapportés (3 sur 9), on ne trouve aucun facteur favorisant. On peut donc se demander si l’ostéonécrose ne serait pas principalement due à l’effet des bisphosphonates qui, en bloquant le remodelage osseux,
entraînerait une minéralisation excessive de l’os. Si cette hypothèse se confirmait, l’ostéonécrose résulterait d’un surdosage et une meilleure adaptation de la posologie devrait permettre d’éviter cette complication.

Les bisphosphonates sont des analogues structuraux des pyrophosphates inorganiques, principalement prescrits pour inhiber l’activité des ostéoclastes.

Selon que le radical contient ou non un atome d’azote, on distingue 2 formes de bisphosphonates: les bisphosphonates sans groupe amine (clodronate, étidronate, tiludronate, etc.) et les aminobisphosphonates (pamidronate, risédronate, alendronate, ibandronate, zolédronate, etc.) qui représentent les produits de dernières générations1.Tous les bisphosphonates commercialisés ne sont pas métabolisés.

Les aminobisphosphonates ont de multiples actions:
• après avoir adhéré à l’hydroxyapatite de la trame
osseuse minérale, ils sont absorbés sélectivement par les ostéoclastes, ce qui aurait pour effet d’induire leur apoptose2;
• ils ont une action anti-tumorale propre3;
• ils ont une action anti-inflammatoire en inhibant certaines cytokines4;
• ils ont une action anti-angiogénique5.

En 3 décennies, les indications des bisphosphonates se sont progressivement élargies: après avoir été initialement utilisés dans la maladie osseuse de Paget, ils sont actuellement prescrits pour le traitement et la prévention de l’ostéoporose6,7, pour le traitement de l’hypercalcémie maligne et des tumeurs osseuses d’origine hématologique ou métastatique8,9 qui s’accompagnent d’une ostéolyse, et plus récemment pour

La Presse Médicale - 1073
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Orbitopathie endocrinienne d’origine thyroïdienne

CAS CLINIQUE
Un patient âgé de 49 ans est admis en urgence pour dyspnée majeure.  l’examen clinique on observe une exophtalmie bilatérale importante entravant l’occlusion palpébrale une cardiomyopathie ischémique, une BPCO tabagique, une hernie hiatale, une kératite  herpétique avec ulcère cornéen, et une hyperthyroïdie diagnostiquée 5 mois plus tôt et traitée par Strumazol. (figs. 1 et 2). Dans les antécédents on note :®, 10 mg, 4x/jour.

Quel est votre traitement ?


 : Aspect clinique de la face.
Figure 1


: Aspect clinique de profil.
Figure 2

Figure 3
des muscles droit inférieur, droit interne et droit supérieur, ainsi qu’une
légère hypertrophie de la graisse orbitaire.


 : Scanner en coupe axiale.

REPONSE

Ce patient présente une orbitopathie endocrinienne d’origine thyroïdienne.

Ces orbitopathies sont associées à un dysfonctionnement hormonal et à des perturbations auto-immunitaires thyroïdiennes. Elles accompagnent habituellement une hyperthyroïdie mais se rencontrent également en cas d’hypo- voir même d’euthyroïdie [1, 2].

La survenue éventuelle d’une hypothyroïdie peut être un facteur aggravant majeur de l’orbitopathie, illustrée dans le cas clinique. L’orbitopathie évolue au cours du temps selon un mode « exacerbation/rémission » qui ne semble pas influencé par le traitement médicamenteux de l’atteinte thyroïdienne.

Classiquement, le traitement de l’orbitopathie endocrinienne comporte un volet médical et un volet chirurgical [3, 4].

Le volet radiothérapique est quant à lui très controversé dans de récentes études [5].

 Le traitement médical consiste en l’administration par voie systémique de corticoïdes pendant une durée de 30 à 60 jours, qui apporte le plus souvent une amélioration significative des symptômes. L’examen ophtalmologique détermine quant à lui l’urgence éventuelle d’un acte chirurgical ; compression du nerf optique au cours d’une phase inflammatoire aiguë, ulcération cornéenne secondaire à l’exophtalmie… [6].

Le plus habituellement le traitement chirurgical intervient au cours de la période stable de l’orbitopathie et vise à corriger les complications cicatricielles fibreuses.

 Une première étape consiste en une décompression orbitaire osseuse qui corrige l’exophtalmie, l’étape suivante permet  la correction de la mobilité oculaire [7].

Vu la gravité de la symptomatologie clinique de notre patient, un traitement à base de corticoïdes par voie systémique à la dose de 1 gr/jour a été instauré mais sans aucune amélioration significative. Devant la persistance de l’oedème papillaire et la diminution progressive de l’acuité visuelle, un traitement chirurgical a été programmé. Une décompression orbitaire osseuse bilatérale par voie cutanée avec effondrement du plancher orbitaire ainsi que du mur latérointerne, associée à une lipectomie a été réalisée. Une amélioration rapide et très satisfaisante des symptômes a été observée dans les jours suivants. Le patient a bénéficié en outre d’une rééquilibration de son traitement thyroïdien.

Habituellement, à long terme, la tendance se fait vers une réduction et une stabilisation des manifestations cliniques orbitaires [1].
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Quel est votre diagnostic ?

Re´ponse

Les donne´es cliniques, histologiques et radiologiques ame`- nent a` proposer le diagnostic de dysplasie osseuse, de type dysplasie ce´mento-ossifiante (DCO). Un suivi clinique exclusif est de´cide´.

Les le´sions fibro-osseuses des maxillaires regroupent la dysplasie fibreuse, les fibromes ossifiants (anciennement appele ´s fibromes ce´mento-ossifiants) et les dysplasies osseuses (ICD-O : 9272/0), dont fait partie la DCO floride. 

Le diagnostic diffe´rentiel entre la DCO et le fibrome ossifiant (ICD-O : 9262/0, 9274/0) est parfois difficile. Dans notre cas, les donne´es histologiques n’e´taient pas contributives 

[1]
et des arguments diagnostiques plus solides e´taient fournis par la clinique – la DCO touche d’abord les femmes d’aˆge muˆr – et surtout par l’aspect radiologique. En effet, la pre´sentation radiologique de notre cas – des le´sions pe´ri-apicales multiples en cible ou coalescentes, entoure´es d’un halo radiotransparent – est pathognomonique de DCO et est retrouve´e dans 35 % des cas de cette affection 
[2]. 

Cependant, l’origine caucasienne de la patiente est atypique, la pathologie touchant pre´fe´rentiellement les patientes originaires d’Afrique noire.

L’origine de la DCO fait de´bat. Certains auteurs affirment qu’elle est issue d’une activite´ anormale du ligament pe´riodontal
[3], 

comme en te´moigne sa localisation quasi exclusive en zone dente´e [2]. Cependant, la pre´sence de le´sions de DCO dans des segments e´dente´s de la mandibule est atteste
´e 

[2]. 

Cette donne´e permet uniquement d’affirmer que la DCO persiste apre`s la perte de la dent qui lui e´tait associe´e.

Il est inte´ressant de noter que l’adhe´rence entre la tumeur et l’apex doit en conse´quence eˆtre faible.

Kawai et al. [2] de´finissent six pre´sentations radiologiques selon, entre autres crite`res, la conservation de l’espace clair ligamentaire. Lorsque la le´sion est en continuite´ avec l’apex, ces auteurs l’attribuent a` une activite´ ligamentaire.

En revanche, s’il existe un halo entre la tumeur et l’apex, Kawai et al. [2] avancent que l’os me´dullaire serait implique´ dans la gene`se de la pathologie.

Les classifications successives de l’OMS consacre´es aux tumeurs de la teˆte et du cou rangent initialement la DCO dans la cate´gorie des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’appareil odontoge´nique »

[4],

puis dans le groupe des « ne´oplasies et autres tumeurs en lien avec l’os » 

[5].

La dernie`re classification de l’OMS la range dans le groupe des « dysplasies osseuses » et lui attribue une origine ligamentaire

[6].

Dans le cas pre´sente´ ici, l’espace ligamentaire pe´riodontal des dents affecte´es e´tait pre´serve´ sur tout le pe´rime`tre radiculaire (fig. 1), ce qui serait en faveur d’une origine me´dullaire. Il existe en effet des tumeurs extramaxillaires pouvant produire du ce´ment

[7]

La formation de ce´ment par l’os me´dullaire pe´riapical n’est pas de´montre´e et la persistance de l’espace ligamentaire pe´riodontal peut eˆtre le re´sultat d’une migration des ce´mentoblastes vers l’os via les canaux de Volkmann [2] ou la conse´quence de troubles de la diffe´rentiation entre oste´o- et ce´mentoblastes.

La production de ce´ment par l’os me´dullaire serait un cas inte´ressant d’anomalie de signalisation entre oste´oblastes e ce´mentoblastes. L’e´lucidation des me´canismes a` l’origine de la DCO permettrait de mieux comprendre l’activite´ physiologique du ligament pe´riodontal et ses interactions avec les structures environnantes.
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Multiple target-shaped periapical lesions

Une femme caucasienne, de 41 ans, consulte en chirurgie maxillofaciale sur les conseils de son
dentiste. Elle pre´sente un bombement vestibulaire ferme et indolore en regard des dents 46–47, de de´couverte fortuite lors d’une consultation de soins.

Les examens radiologiques montrent de tre`s nombreuses masses pe´ri-apicales en cible cerne´es d’un haloradiotransparent. Aucune mobilite´ dentaire n’est retrouve´e. 

Il n’existe pas d’hypoesthe´sie dans le territoire du V3.  Les  examens biologiques standards sont normaux, y compris les taux sanguins de phosphore et de calcium. Une biopsie sous anesthe´sie locale de la re´gion vestibulaire tume´fie´e pose le diagnostic de le´sion fibro-osseuse sans plus de pre´cision. La tomodensitome´trie montre des le´sions mandibulaires pe´ri-apicales multiples pre´dominant dans les territoires molaires, avec une pre´servation de
l’espace clair ligamentaire sur tout le pe´rime`tre radiculaire
(fig. 1).

Figure 1

Figure 1. A Tomodensitome´trie avec reconstruction tridimensionnelle des maxillaires. Les le´sions pre´dominent dans les territoires molaires. Le maxillaire
supe´rieur est e´pargne´. B, C. Les re´gions molaires mandibulaires droites et gauches portent des le´sions en cible avec halos pathognomoniques.
D. Tomodensitome´trie de la dent 46, montrant la persistance de l’espace pe´riodontal. Aucun contact direct entre la tumeur et l’apex n’est observe´ sur tout
le pe´rime`tre radiculaire. E. Tomodensitome´trie tridimensionnelle de la mandibule montrant des le´sions en capuchon des apex molaires
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Observation du cas la muqueuse buccale

Une femme âgée de 68 ans était suivie en stomatologie depuis plus de 35 ans pour lésions gingivales chroniques. 

Plusieurs extractions dentaires avaient été alors pratiquées.

L’anamnèse retrouvait la notion de lésions gingivales blanchâtres
lentement extensives, occasionnant une gêne à l’alimentation, pour lesquelles elle avait rec¸u des traitements symptomatiques sans aucune amélioration.

La patiente ne présentait pas d’antécédents pathologiques notables, en particulier il n’y avait pas de notion de tabagisme.

L’examen de la cavité buccale relevait des lésions blanchâtres verruqueuses, confluant en plaques à bords irréguliers, atteignant de fac¸on diffuse la région antérieure de la gencive inférieure et la face interne de la lèvre inférieure jusqu’aux prémolaires (Fig. 1). Il n’y avait pas d’infiltration.

La langue et le palais étaient indemnes de toute lésion.
Le reste de l’examen cutanéo-muqueux était
 normal, en particulier il n’y avait pas d’adénopathies cervicales.

 
Figure 1.

Quelles sont vos hypothèses diagnostiques?

Hypothèses du comité de rédaction
Les hypothèses du comité de rédaction ont été :
• un hamartome spongieux muqueux (white sponge naevus)
• une leucokératose acquise traumatique ;
• un lichen plan.

Commentaires

Notre patiente présente des lésions buccales chroniques, résistantes à tous les traitements proposés. 

L’examen retrouvait des plaques blanches à surface irrégulière de la muqueuse gingivale et du versant muqueux de la lèvre inférieure.

Devant ce tableau clinique, les principaux diagnostics à évoquer sont les leucokératoses acquises, comme les candidoses, le lichen plan et les leucoplasies. Mais il n’y avait dans
cette observation aucun argument clinique ou paraclinique permettant de retenir ces hypothèses.

L’interrogatoire ne retrouvait pas de notion de tabagisme ou de déficit immunitaire acquis ou congénital et la patiente rapportait l’échec de multiples traitements antifongiques locaux et systémiques correctement conduits.

Par ailleurs, le grattage avec l’abaisse langue permettait de détacher difficilement des grands lambeaux laissant apparaître une muqueuse saine non érosive, pouvant éliminer une lésion pseudomembraneuse (celle-ci se détache facilement et laisse découvrir une érosion) et une leucokératose (qui ne disparaît pas au grattage). L’examen clinique ne retrouvait
pas d’autres lésions cutanéomuqueuses.

Les prélèvements mycologiques étaient négatifs.

Bien qu’il s’agisse d’une patiente de 68 ans, on peut également évoquer devant ce tableau les dyskératoses congénitales et le diagnostic d’hamartome muqueux spongieux (white sponge naevus) a été retenu, devant l’aspect histologique, montrant une muqueuse buccale revêtue par un épithélium malpighien acanthosique, papillomateux, hyperkératosique avec des images de dyskératose monocellulaire.

Les cellules du corps muqueux étaient clarifiéespar un oedème marqué intra- et intercellulaire (Fig. 2).

L’immunofluorescence directe était négative.

La patiente a été traitée par cyclines par voie orale avec
une évolution partiellement favorable au bout de six mois de traitement (Fig. 3).

Le white sponge naevus est une dyskératose congénitale bénigne rare, autosomique dominante à pénétrance et expressivité variable [1]. Il n’y a pas de prédilection
de sexe ni d’ethnie.

Elle est causée par les mutations des gènes exprimant les kératines suprabasales K4 et K13 [2—4]. Quelques cas sporadiques ont été décrits, comme c’est le cas de notre patiente qui ne rapportait pas de cas familiaux. Aucun facteur étiologique n’est retrouvé dans ce tableau (ni traumatique, ni tabagique, ni infectieux). Les poussées pourraient être déclenchées par la surinfection bactérienne

[5].
La lésion apparaît dès la naissance ou la première enfance et augmente progressivement de taille jusqu’à l’adolescence. Notre patiente rapporte une évolution lente, depuis l’âge de 38 ans. Un début plus précoce est probable mais méconnu par la patiente.

L’atteinte est souvent diffuse avec des plaques blanches, à surface irrégulière, de consistance molle [1]. 

L’épaisseur et la taille des plaques sont variables d’un sujet à l’autre et peuvent varier dans le temps chez le même individu. Elles siègent de préférence sur les muqueuses jugales, la langue,
les vestibules, le palais et le plancher buccal. 
Les autres muqueuses (nasale, anale et vaginale) peuvent être affectée s [1,6]. Il n’y a pas d’atteinte cutanée [1,7].

L’histologie reste un élément clé du diagnostic [7,8]. Elle montre un épaississement de l’épithélium, une spongiose du stratum spinosum, un défaut de kératinisation en surface et
une parakératose dans les couches les plus profondes.

La microscopie électronique est contributive dans les cas douteux, montrant une répartition inégale des tonofilaments dans le cytoplasme des kératinocytes [1,7].

Les autres dyskératoses congénitales comme la pachyonychie congénitale (syndrome de Jadassohn- Lewandowski), la dyskératose congénitale (syndrome de Zinsser-Cole-Engman), la maladie de Darier peuvent poser un problème de diagnostic différentiel [8].

Figure 3
.

 Figure 2. Épithelium acanthosique, papillomateux, avec dyskératose.

L’évolution est chronique sans transformation en carcinome. Aucun traitement n’est habituellement indiqué, mais devant le caractère malodorant et l’augmentation de l’épaisseur de certaines plaques, divers traitements ont été proposés avec un effet suspensif.

Les tétracyclines en bains de bouche [9,10] ou par voie générale [9] ont prouvé leur
efficacité dans quelques cas au moment des poussés comme chez notre patiente.
Devant une lésion blanche de la cavité buccale, l’examen histologique reste un moyen capital pour éliminer une lésion précancéreuse et poser le diagnostic positif.
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