Présentation inhabituelle d’une pathologie courante

un patient âgé de 80 ans, d’origine marocaine, est admis dans le département de chirurgie maxillofaciale, pour des lésions faciales et buccales très douloureuses, évoluant depuis environ une semaine.

La biologie exprime un syndrome inflammatoire. L’examen clinique montre la présence d’un érythème hémifacial droit recouvert de lésions de type « vésicules » à différents stades d’évolution (fig. 1). Ces lésions évoluent sur l’ensemble du territoire du nerf trijumeau droit, à savoir : les régions ,sousorbitaire, pré-auriculaire, paranasale et commissurale, les hémilèvres supérieure et inférieure avec la région mentonnière, l’hémipalais, la joue et l’hémi-langue droits (fig. 2 et 3). Le conduit auditif externe est respecté ainsi que la paupière supérieure. On note également la présence d’adénopathies cervicales unilatérales.

Dans les antécédents de ce patient on retrouve une bronchopneumopathie chronique obstructive, un diabète insulinodépendant équilibré, une cardiomyopathie ischémique et un syndrome du tako-tsubo.

Figure 1. Patient vu de profil.

Figure 2. Lésions hémi-langue droite.

Figure 3. Lésions palais et joue droits


Quel est votre diagnostic ?

Réponse

Il s’agit d’un zona du nerf trijumeau entreprenant ses trois
branches.


Le nerf trijumeau, sensitivo-moteur, anime les muscles de la mastication et donne la sensibilité à la face, l’orbite, les fosses nasales et la cavité buccale. Les fibres sensitives prennent naissance dans le ganglion de Gasser.


Le nerf trijumeau se compose de trois branches : ophtalmique, maxillaire supérieur et mandibulaire. C’est la branche ophtalmique qui est la plus fréquemment atteinte en cas de zona. S’il est habituel de retrouver une atteinte zostérienne trigéminale d’une ou deux branches du nerf, l’atteinte simultanée des trois branches est exceptionnelle.


Le zona est une infection localisée, unilatérale, due à la réactivation du virus de la varicelle, « varicelle-zoster » (VZ), virus à DNA [1]. Cette affection se rencontre plus fréquemment chez les sujets âgés ou immunodéprimés, sans prédilection de sexe ou de race.


L’éruption vésiculeuse est habituellement précédée de douleurs, parfois intenses, allant d’un simple prurit à de véritables sensations de brûlures. Le patient se plaint parfois avant l’apparition des lésions cutanéo-muqueuses, de paresthésies ou hyperesthésies dans le territoire du dermatome concerné.


Les signes généraux accompagnateurs sont peu fréquents : malaise, céphalées ou encore pyrexie [2].


Les adénopathies réactionnelles unilatérales sont habituelles.


Les vésicules apparaissent le plus souvent groupées et évoluent sur un fond érythémateux. Elles se rompent au bout d’une dizaine d’heures, et laissent la place à une petite ulcération rapidement recouverte d’une croûte qui peut persister plusieurs semaines. De nouvelles vésicules peuvent apparaître pendant plusieurs jours ce qui explique le tableau clinique classique de lésions cutanéo-muqueuses à différents stades d’évolution.


Le diagnostic, principalement clinique, peut être confirmé par l’isolement du virus à partir des fluides des vésicules (culture ou immunofluorescence) ou encore par des tests sérologiques.


Le diagnostic différentiel, difficile en phase pré-éruptive, se pose lors de l’éruption avec une infection bactérienne (impétigo), un herpès zostériforme, une dermatite de contact ou encore une brûlure.

La pathogénie de cette affection n’est pas encore complètement élucidée. Au cours de l’épisode de varicelle (primo-infection), le virus « varicella-zoster » (VZ) présent en grande quantité dans les lésions cutanéo-muqueuses progresse de manière centripète vers le ganglion où il reste latent [3]. Sa réactivation est relativement rare et sporadique, mais peut parfois correspondre à certaines situations telles que : la prise d’immunosuppresseurs ou de corticoïdes, l’existence d’une néoplasie, d’un traumatisme local…


Le traitement habituel dont a, par ailleurs, bénéficié notre patient consiste en l’administration d’acyclovir (Zovirax• ) 3 x 500mg/jour en IV lente, de paracétamol (Perfusalgan• ) 3 x 1 g/jour en IV, de gabapentine (Neurontin•) 3 x 300 mg per os, et d’un complexe vitaminé B1-2-6-12 (Befacte forte• ) 3 comp./jour [4].


La complication majeure du zona est la névralgie post-zostérienne, souvent accompagnée d’hypoesthésie du territoire atteint. Elle se retrouve dans 10 à 15 % des cas, apparaît après la disparition des croûtes et peut persister plusieurs mois. Son incidence augmente avec l’âge et elle est relativement rebelle aux traitements classiques.


En cas de zona ophtalmique on peut observer des complications plus spécifiques telles que des ulcérations cornéennes, des rétractions palpébrales, une ptose paralytique, une névrite optique…


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